Face aux problématiques liées à la qualité des raccordements et de l’exploitation sur les réseaux fibre optique qui émeuvent le secteur depuis un an, Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et président de l’Avicca, a déposé le 19 juillet 2022 une proposition de loi[1] visant à assurer leur qualité et leur pérennité en « mettant un terme définitif aux pratiques actuelles ».
Alors que s’achève l’examen du texte par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et que le texte sera discuté en séance publique le 2 mai 2023, la filière salue l’exigence de Patrick Chaize sur la qualité de service des réseaux et raccordements, tout en appelant à la plus grande vigilance quant aux effets qu’une telle loi pourrait produire, à rebours des objectifs de migration des accès cuivre vers la fibre, poursuivis par les pouvoirs publics.
L’exposé des motifs de la proposition de loi de juillet 2022 dressait un portrait alarmant de la situation actuelle en matière de raccordement des abonnés à la fibre optique. Si l’essentiel des millions d’interventions de raccordements et de service après-vente s’effectue dans des conditions satisfaisantes, la filière est pleinement consciente des difficultés rencontrées par certains usagers, de leur insatisfaction, et des légitimes préoccupations des élus locaux. Cette situation n’était pas acceptable ; elle desservait tant l’image de la filière des infrastructures numériques que celle des nombreux professionnels engagés œuvrant sur le terrain. Une amélioration urgente et perceptible était donc indispensable.
Le mode STOC figure depuis longtemps sur le banc des accusés. Même si la singularité de ce mode de raccordement a toujours fait couler beaucoup d’encre, c’est autour de celui-ci que la réglementation et la filière se sont articulées de façon à pouvoir produire un volume exceptionnel de raccordements chaque année.
En plein développement du plan très haut débit, disponible dans 35,9 millions de locaux, la refonte de tous les processus opérationnels et contractuels déstabiliserait l’ensemble de la filière, de surcroît sans aucune garantie d’amélioration. Concrètement, la remise en cause du cadre actuel provoquerait un arrêt brutal des raccordements. De même, le nouveau dispositif d’indemnisation, imaginé en cas d’interruption de service, fait abstraction des solutions de dépannage et de remboursement systématiquement proposées par les opérateurs commerciaux. Cette charge nouvelle aurait l’effet contraire à celui recherché, au détriment des clients concernés.
En définitive, c’est la réussite du plan Très Haut Débit des pouvoirs publics, qui fait aujourd’hui de la France le leader européen sur la fibre optique, qui serait remis en cause.
Vivement encouragée en ce sens par le Gouvernement, l’Arcep et les collectivités par la voix de Patrick Chaize, la filière a formulé ses propositions il y a 6 mois, en septembre 2022, auprès de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications et Laure de La Raudière, présidente de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (voir encadré ci-dessous).
L’un des principes du plan qualité présenté consiste à remettre les opérateurs d’infrastructure au cœur du dispositif de raccordement, renforçant d’une part le dialogue entre les opérateurs d’infrastructure, les opérateurs commerciaux et la chaîne de sous-traitance, d’autre part les contrôles en permettant, le cas échéant, des pénalités graduées et proportionnées aux manquements constatés, et renforçant également, enfin, la qualification des intervenants. Le plan comprend également la nécessaire reprise des infrastructures atypiques, notamment celles fermées en raison d’un fort taux d’échec de raccordement.
La mise en œuvre de ces propositions est en marche. Des attestations de compétences circulent entre les acteurs, des contrôles s’exercent sur le terrain, des premières sanctions auprès de sous-traitants négligents sont intervenues. Des plans de reprise de locaux techniques à forte incidentologie ont été également été lancés.
« Les choses évoluent dans le bon sens et l’objectif de la filière est de servir les intérêts des clients et de répondre aux préoccupations légitimes des élus et des pouvoirs publics. Nous demandons à être jugés sur nos actes et sommes prêts à en rendre compte à la fin de l’année devant les autorités, les élus et leurs associations » déclarent Philippe Le Grand, président d’InfraNum et Liza Bellulo, présidente de la FFTélécoms.
La filière confirme par ailleurs être favorable au contrôle rigoureux et impartial par l’ARCEP des mesures engagées, à une publication des indicateurs de qualité de service et d’exploitation mesurés de façon neutre et objective.
Elle appelle par ailleurs à engager une large concertation pour identifier rapidement des solutions permettant la réalisation des raccordements dits « complexes » dont les modalités d’organisation et de financement restent à préciser sur l’ensemble du territoire. De plus, alors que le réseau historique a vocation à être définitivement remplacé par les réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné sur des pans entiers du territoires, la filière souhaite ouvrir un dialogue pour définir les règles permettant, à ce terme, une maintenance des infrastructures et une exploitation pérennes de ces-derniers
Enfin, InfraNum attire une fois de plus l’attention sur ce qui constitue, à bien des égards, le nœud du problème : le niveau de rémunération de l’ensemble des acteurs de la filière. « Nous avions poussé un cri d’alarme lors de notre dernière Université en octobre dernier à Toulouse, et, même si depuis la situation s’est améliorée, la fragilité du modèle économique de raccordement reste encore réelle. En outre, le turn-over important des équipes sur le terrain et les difficultés de recrutement de nos entreprises témoignent du manque d’attractivité de notre filière. Il est illusoire d’espérer améliorer le niveau de qualité constaté sur le terrain sans apporter une réponse claire sur la rémunération juste de l’ensemble des acteurs de la filière, à tous les étages » considère le Président d’Infranum.
« Ce sujet soulève également la question, plus largement, des équilibres économiques et fiscaux de l’ensemble de la filière, opérateurs d’infrastructure et commerciaux, et intervenants du raccordement, à l’égard des autres chaînons de l’écosystème numérique. Les investissements colossaux de l’ensemble de la filière ne peuvent être soutenus durablement sans de nouveaux outils pour rééquilibrer les relations commerciales et le partage de la valeur avec les géants du numérique, afin de trouver les clés, demain, de notre souveraineté numérique », conclut la présidente de la FFTélécoms, Liza Bellulo.
[1] https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl21-795-expose.html
Rappel : les mesures du plan de qualité des raccordements
1. Vérification, au travers d’une grille d’analyse définie par la filière, des moyens de formation mis en œuvre et les méthodes pédagogiques proposées par les entreprises d’une part, et des connaissances théoriques et pratiques des intervenants d’autre part. Cela permettra d’assurer et de contrôler le bon niveau de formation des techniciens par rapport aux standards définis par l’ensemble de la profession ;
2. Renforcement des contrôles effectués par les opérateurs sur les intervenants réalisant les raccordements. Grâce à la transmission hebdomadaire des plannings d’intervention des opérateurs commerciaux aux opérateurs d’infrastructures qui en feraient la demande, et aux retours périodiques que ces derniers leur adresseraient, les contrôles sur le terrain seront renforcés dans un souci d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des interventions. Ce dispositif a été mis en place de manière expérimentale pour une vingtaine de territoires, et un bilan d’intérêt commun prochainement avant de décider, le cas échéant, de le généraliser aux opérateurs d’infrastructures qui le souhaiteraient ;
3. Un compte-rendu d’intervention (CRI) comme clef de voûte du dispositif de validation de la qualité du raccordement et par conséquent améliorer le niveau de réalisation de ces CRI. En effet, le CRI est l’outil qui permet à l’ensemble des intervenants sur les réseaux d’échanger des informations essentielles pour assurer l’exploitabilité des réseaux : vérification de la conformité de l’intervention, le cas échéant suivi des interventions de reprise des malfaçons, mise à jour automatisée des référentiels réseaux, etc. Les travaux collectifs pour achever sa normalisation et assurer la gestion automatisée et partagée des données devaient donc s’accélérer en complément des travaux menés au sein d’Interop et sous l’égide de l’ARCEP. Une mise en production industrielle et généralisée devait alors être déployée au plus vite par l’ensemble des acteurs. En plaçant ce compte-rendu au centre des relations contractuelles entre les différents intervenants et en l’adossant à des mesures incitatives valorisant des prestations réalisées dans les règles de l’art, toute la chaîne de traitement de l’information et la qualité générale des réseaux s’en trouveraient améliorés sur le court et le long terme.
En parallèle de ces trois grands axes, un enjeu spécifique existe toujours sur certains réseaux atypiques ou ayant des singularités. Il est nécessaire d’améliorer significativement la reprise de ces infrastructures dégradées sous l’égide du régulateur, comme cela a déjà été amorcé dans certaines zones en pleine collaboration entre les opérateurs.