L’ARCEP doit donner toutes ses chances à la transformation numérique des entreprises
La crise sanitaire a révélé l’urgence de la transformation numérique pour les entreprises. La nécessité du recours au travail à distance et à la dématérialisation des usages métier est devenue en quelques jours non seulement une réalité mais aussi un moyen de survie pour la plupart d’entre elles. Si les opérateurs télécom ont fait la preuve pendant la période de confinement de la résilience de leurs réseaux, seules les entreprises connectées ont pu faire la preuve de la même agilité.
Les signataires de cette tribune – AFUTT, CDRT, InfraNum – réclament à l’Arcep une régulation de l’accès fibre optique en faveur de l’innovation, de la pluralité et d’une plus grande compétivité des offres à destination des entreprises.
Bernard Dupré, président de l’AFUTT-Crestel : « L’enjeu n’est pas seulement de proposer des offres compétitives : il s’agit avant tout de faire en sorte que le client soit lui-même compétitif, en choisissant l’offre de services et d’accès qui va accroître son agilité et sa productivité. »
Pour numériser les entreprises, la généralisation de la fibre optique sur tout le territoire est une condition nécessaire, mais non suffisante. La croissance des usages distants et l’omniprésence des services numériques, hébergés dans le Cloud, impose une adéquation permanente des accès télécoms et des services à superviser pour en garantir la haute disponibilité, la sécurité ainsi qu’une bonne experience utilisateurs.
L’innovation technologique à destination des entreprises repose sur la disponibilité et la maîtrise – par l’ensemble des opérateurs – de chacune des briques technologiques qui constituent ces offres et tout particulièrement l’accès télécom. L’Autorité ne doit pas laisser le marché se verticaliser et se contracter sur un nombre restreint d’acteurs propriétaires de l’infrastructure. L’écosystème des opérateurs alternatifs ne craint pas la concurrence, il est même né de la concurrence dans les réseaux d’initiative publique grâce aux opérateurs de gros fournissant des offres neutres et activées.
Alors qu’un opérateur commercial d’envergure nationale aura tendance à privilégier ses propres offres standardisées, les opérateurs alternatifs se différencient par leur proximité géographique et une plus forte capacité à construire des offres « sur mesure » pour leurs clients. Cette dynamique d’innovation, basée sur la pluralité des offres doit être entendue et accompagnée par l’Arcep. Elle favorise le dynamisme économique de nos territoires, l’émergence d’acteurs nationaux et le développement d’alternatives aux offres des GAFAM. Car aujourd’hui la tentation est forte pour les GAFAM de s’associer aux grands opérateurs, comme c’est le cas en Italie. Si ce modèle venait à s’installer, les opérateurs commerciaux deviendraient ainsi les distributeurs de ces géants du numérique, créant de fait une cooptation qui aurait pour conséquence de freiner l’innovation et la concurrence.
Comme l’a indiqué Sébastien Soriano « mieux réguler les GAFA permettra de libérer la capacité des autres acteurs à innover ». L’innovation passe par une multitude d’éditeurs, parfois membres de la French Tech qui, à travers les offres des opérateurs alternatifs, proposent des solutions souvent plus flexibles et mieux adaptées aux besoins des professionnels. Le marché ne doit pas être fermé à ces innovateurs car ce sont eux qui viendront concurrencer les GAFAM. Verrouiller le marché des éditeurs de logiciels ralentit la transformation numérique des entreprises.
Laurent Silvestri, président du CDRT : « Les enjeux sont de taille. Si l’Arcep n’accompagne pas l’activité des opérateurs alternatifs dans le prochain cycle de régulation, en leur garantissant un accès simplifié à des offres de gros abordables sur le marché des télécoms d’entreprises, ce sont les GAFAM qui en profiteront ».
Depuis des années, l’écosystème des opérateurs de services numériques se mobilisent pour bénéficier de manière équitable aux offres de gros sur le très haut débit. L’Arcep doit absolument s’assurer de la réplicabilité économique des offres en fibre optique des opérateurs verticalement intégrés par les opérateurs alternatifs pour leur permettre d’être compétitif.
Comme le reconnaît elle-même l’Autorité, le défi de la régulation est de garantir une concurrence qui permette aux professionnels de réaliser un choix optimal parmi les différentes offres disponibles. Cet enjeu crucial a bien été compris par l’Assemblée nationale et le Sénat, qui se sont saisis du sujet lors du dernier semestre de l’année 2019. Cette prise de conscience généralisée doit se traduire dans l’accès concurrentiel aux réseaux : deux acteurs verticalement intégrés ne suffisent pas à animer le marché des télécoms d’entreprises.
Infographie CDRT
La transformation numérique des entreprises nécessite un accompagnement sur mesure, et non pas des technologies télécom brutes. Il est nécessaire que les opérateurs de services numériques puissent maîtriser de bout en bout les accès très haut débit afin de pouvoir y intégrer leur panel de services à haute valeur ajoutée. Une telle régulation du marché de gros garantira des accès très haut débit et des outils numériques performants, au juste prix, permettant aux entreprises d’aller chercher de nouveaux relais de croissance et d’accroître leur compétitivité.
Étienne Dugas, président d’InfraNum : « Le marché des télécoms d’entreprises attend simplement que l’opportunité d’accèder aux réseaux très haut débit de manière équitable soient offerte à tous les animateurs de la concurrence ».