Après s’être déclaré en cessation de paiement il y a quelques jours, Kosc Telecom a été placé mercredi dernier en redressement judiciaire. Le pire a ainsi été évité : la liquidation judiciaire, situation qui aurait fragilisé tout un écosystème, faisant craindre aux opérateurs alternatifs une interruption de service pour leurs clients.
Le lancement de la procédure de redressement, accompagnée de garanties financières de plusieurs millions d’euros délivrées par plusieurs de ses actionnaires, va donner un second souffle à l’entreprise. Avec ce sursis supplémentaire, de nouvelles solutions sont possibles. Le futur repreneur de Kosc pourra opter pour une reprise partielle et l’effacement potentiel d’une partie de la dette. Une chose est sûre aujourd’hui : l’opérateur coûte moins cher qu’il y a une semaine, avec un niveau de risque maîtrisé vis-à-vis de son endettement.
Plusieurs catégories d’entreprises peuvent être intéressées : un opérateur intégré, un opérateur de RIP ou encore un agrégateur qui souhaiterait monter en gamme. Quel que soit le résultat de cette liquidation, nous estimons que le choix des repreneurs potentiels est à la fois restreint et polarisé en matière de positionnement stratégique. L’avenir du secteur – qui pèse aujourd’hui plus de 9,2 milliards d’€ – et de la numérisation des entreprises sont directement liés à ce choix désormais privé.
Sébastien Soriano s’est positionné publiquement le 7 décembre : « L’important, c’est qu’une activité de gros volontariste soit structurellement garantie ». Il va même plus loin, donnant sa préférence pour une poursuite d’activité via un modèle d’opérateur actif uniquement sur le marché de gros, à l’instar de Kosc. L’Arcep se situe ainsi dans le prolongement naturel de sa ligne stratégique, puisqu’elle avait écarté la mise en œuvre de remèdes d’offres activées réclamés par les petits opérateurs depuis 2013, pour tout miser sur Kosc lors de sa dernière analyse de marché en 2017. Encore fallait-il avoir le courage d’exprimer publiquement sa position alors que les remous sont nombreux. InfraNum salue cette prise de parole très claire, qui vise non seulement à protéger l’écosystème des opérateurs alternatifs mais également à lui permettre de se développer.
Devant le tribunal de commerce, le repreneur n’aura aucune obligation légale de conserver l’objectif premier de Kosc ni la stratégie souhaitée par le régulateur, c’est à dire demeurer un opérateur de gros neutre et engagé pour dynamiser la concurrence sur le marché entreprise. L’engagement volontariste appelé des vœux de Sébastien Soriano a donc une importance déterminante. Soit c’est un acteur neutre qui sort de cette reprise, avec des engagements officiels, soit l’ARCEP devra prendre ses responsabilités à nouveau pour des actions de régulation fortes et rapides dans le cadre du nouveau cycle d’analyse de marché. Nous ne voyons d’ailleurs pas comment les prochains projets de décisions d’analyse de marché pourraient voir le jour sans contenir plusieurs scenarii, tenant compte de la nature du futur repreneur de Kosc et des engagements volontaires qu’il prendrait officiellement auprès de l’Autorité.
Quelque soit l’issue concernant Kosc, l’impact de son redressement judiciaire sur le marché entreprise sera durable. L’Assemblée nationale, le Sénat et le régulateur sectoriel se sont saisis du sujet publiquement et InfraNum lance cette fois-ci un appel auprès du Gouvernement pour que celui-ci adopte une position claire, à son tour, vis-à-vis du futur repreneur de Kosc et des engagements que ce dernier devrait prendre sur le marché de gros.
Les efforts du régulateur doivent-ils être annihilés ? Le marché doit-il revenir plusieurs années en arrière ? La concurrence va-t-elle être réduite alors que le passage du cuivre à la fibre était l’occasion d’améliorer la situation ? Nous n’imaginons pas que l’Etat reste spectateur devant la possibilité d’une telle débâcle. Il ne s’agit pas tant de l’entreprise Kosc que de la pérennité du développement des opérateurs qui en sont clients, du sauvetage des milliers d’emplois associés sur le territoire et, in fine pour le Gouvernement d’assumer le choix politique de la numérisation des entreprises en passant des paroles aux actes.